Appel à communication

25e Rencontres des chercheurs et chercheuses en didactique des littératures

 

Enseigner toutes les littératures

 

Sorbonne Université – Inspé de Paris

 

 

L’inspé de l’Académie de Paris, Sorbonne Université et l’équipe Prascoll du CELFF (UMR 8599) s’associent pour accueillir les 16, 17 et 18 octobre 2024, les 25e Rencontres des chercheurs et des chercheuses en didactique des littératures.

 

 

À plusieurs reprises, les Rencontres des chercheurs et chercheuses en didactique de la littérature se sont appelées « Rencontres en didactique des littératures »[1]. Ce choix du pluriel apparait également çà et là dans certaines problématiques de telle ou telle édition, depuis les 11e (à Genève en 2010 : « Enseigner les littératures dans le souci de la langue ») jusqu’aux 21e (prévues à Montpellier en 2020, « Compar(ais)ons en didactique des littératures »). Ce pluriel ne s’est pas imposé, mais la réflexion sur l’hétérogénéité constitutive du corpus de textes englobé sous l’étiquette « littérature », qui est une question essentielle dans le champ des études littéraires (voir par exemple Gefen, 2021), traverse également de nombreux travaux en didactique, qui questionnent les conséquences de cette hétérogénéité sur les apprentissages en jeu.

L’hétérogénéité des corpus est tout d’abord appréhendée au sein d’un ensemble de réflexions qui s’attachent à définir les spécificités de la littérature scolaire, du double point de vue des corpus travaillés et des pratiques dont les textes sélectionnés font l’objet. Si les grandes enquêtes des années 1990 menées en France par Veck et son équipe dans le cadre de l’INRP (Veck, 1992, 1994, 1997) ainsi que celle de Manesse et Grellet (1994) pour le collège, n’ont jamais vraiment été actualisées, la description des corpus scolarisés a été articulée, dans des travaux ultérieurs, avec l’analyse des usages qui en sont faits (Dufays, 2007 ; Louichon et Rouxel, 2009 et 2010 ; Le Français aujourd’hui, 172, 2011 ; Denizot, 2013 ; Lépine et alii, 2021). Par ailleurs, plusieurs travaux genevois ont permis également, au plus près du terrain des pratiques de classe, de documenter certains effets (même parfois déceptifs) du renouvèlement des corpus, en confrontant par exemple les modalités de travail proposées aux élèves sur des œuvres contrastées, l’une classique, l’autre issue de la production contemporaine (Aeby-Daghé, 2014 ; Ronveaux et Schneuwly, 2019).

La diversité des littératures peut aussi être envisagée dans une perspective socioculturelle, attentive à ce que les logiques de sélection des textes peuvent avoir de « différencié et différenciant » (selon la proposition de définition du socioculturel par Daunay et al, 2009), et partagée par des travaux qui questionnent la fonction culturelle de l’enseignement de la littérature. L’analyse peut porter sur les hiérarchies qui s’y jouent ou sur les conditions lui permettant d’ouvrir les horizons culturels de tous les élèves. Cette réflexion s’est en particulier fortement développée sur les enjeux propres à la littérature patrimoniale et aux classiques, avec des recherches qui s’efforcent de clarifier le rôle de l’école dans la constitution et la transmission des patrimoines et proposent des pistes pour relever les défis didactiques que pose la lecture des œuvres patrimoniales (De Peretti et Ferrier, 2012 ; Ahr et Denizot, 2013 ; Bishop et Belhadjin, 2015 ; Louichon, 2015 ; Shawky-Milcent, 2016 ; Waszak, 2022). D’un autre côté, les enjeux de l’étude de littératures moins scolarisées font également l’objet de réflexions soucieuses d’appréhender ce qui se joue, ou ce qui pourrait se jouer, dans une diversification des corpus. Sont notamment questionnés les enjeux de l’ouverture des classes à la littérature de jeunesse (FA, 2005 ; Ahr et Butlen, 2015), à la littérature contemporaine (Fort, 2022 ; FA, à paraitre, 2024), à la diversité des littératures francophones (10èmes Rencontres des chercheurs en didactique de la littérature, Sousse, 2009 ; FA, 2001 ; Dumortier, 2001). Ces travaux s’interrogent à la fois sur les raisons de la minoration voire de l’absence de certains pans de la production littéraire, et sur l’effet que leur introduction ou le renforcement de leur présence parmi les lectures scolaires pourrait avoir sur le rapport instauré à la littérature. Les lectures extrascolaires et plus largement les littératures populaires occupent une place particulière au sein de ces travaux. Si la réflexion, déjà ancienne, est régulièrement reprise (Pratiques, n° 50, 1986 et n° 54, 1987 ; Demougin et Massol, 1999 ; Reuter, 2001 ; FA, 2019), la prise en compte de ces littératures semble continuer à apparaitre comme une voie « parsemée d’embuches » (Reuter, 2001) : l’étude des pratiques lectorales privées des jeunes, développée par des sociologues (Bonnéry, 2014 ; Détrez et Vanhée, 2012 ; Octobre, 2015 ; Renard, 2011) est plus rarement investie par des didacticiens même si certains travaux s’appuient sur ce type d’enquête (Lemarchand, 2017) ; l’articulation des lectures populaires (absentes des prescriptions) avec les lectures de l’école apparait très peu pensée en formation où les hiérarchies restent implicites (Fradet-Hannoyer, 2022), situation plus propice à faire naitre des « malentendus » sur les enjeux d’apprentissage (Bautier et Rayou, 2013) qu’à permettre à tous les élèves de s’approprier une culture partagée. 

Enfin, selon une autre perspective, l’hétérogénéité générique suscite des recherches attentives au traitement de genres littéraires qui semblent pâtir d’une certaine hégémonie du roman ou du récit : le théâtre (Pratiques, 193-194, 2022) et surtout la poésie (Brillant-Rannou, Boutevin et Brunel, 2016 ; Pratiques, 2018 ; Boutevin, Brillant-Rannou et Plissoneau, 2018 ; Emery-Bruneau, 2020), dont l’enseignement et l’apprentissage sont au cœur d’une nouvelle revue (Boutevin et Brillant-Rannou, 2023). De manière complémentaire, des recherches questionnent les frontières médiatiques de la littérature et l’hétérogénéité des supports qui peuvent être travaillés en classe de littérature, au-delà de formes uniquement textuelles. Le dialogue entre littérature et arts (Chabanne, 2018), le traitement de l’album (Leclaire-Halté et Specogna, 2015), de la bande dessinée (Rouvière, 2012 ; Raux, 2023), d’œuvres multimodales (Lacelle, Boutin et Lebrun, 2012) ou de littérature nativement numérique (Acerra, 2017 ; Brunel, 2021) ainsi que les enjeux des circulations intermédiatiques (Castagnet-Caignec, 2021), sont au cœur de travaux en plein essor : autant de chantiers qui renforcent la diversité des objets de l’enseignement de la littérature et obligent à réexaminer ses objectifs, ses méthodes, et ses corpus.

On se propose donc pour les 25èmes Rencontres d’interroger la diversité de la littérature enseignée selon les deux axes suivants :

Axe 1. Un enseignement ouvert à la diversité des littératures ?

Dans un contexte où les pratiques culturelles sont de plus en plus marquées par l’éclectisme et les « dissonances » (Lahire, 2004), comment l’enseignement de la littérature traite-t-il la diversité des littératures et des pratiques de lecture qui leur sont associées ?

Quelles dynamiques d’ouverture ou quelles résistances peut-on observer ? Des différences s’observent-elles entre les contextes nationaux ? entre les degrés d’enseignement, de la maternelle à l’université ? entre des publics socialement différenciés ?

Observe-t-on des logiques d’exclusion, voire de censure de certaines œuvres ou domaines, que celles-ci soient le fait de prescriptions institutionnelles ou de formes d’autocensure des enseignants, face par exemple à des œuvres jugées trop difficiles d’accès ou au contraire trop familières des élèves, ou encore trop polémiques ?

 La diversité des littératures abordées prend-elle la forme d’une succession d’œuvres variées au gré de la progression annuelle, ou est-elle constituée explicitement en objet d’enseignement, et comment ? Comment la diversité des textes s’intègre-t-elle aux représentations de la discipline, du côté des enseignants et des élèves ?

Les contributions chercheront à documenter et interroger le degré et les formes d’éclectisme dans les corpus scolarisés : enquêtes à visée quantitative, regards historico-didactiques, ou études de cas révélant les représentations d’acteurs, enseignants comme élèves.

Axe 2. La didactique de la littérature à l’épreuve de la diversité

En complément à l’approche descriptive visée par le premier axe, il s’agira d’examiner sur un plan plus métaréflexif dans quelle mesure la prise en compte de la diversité des littératures peut inciter à des approfondissements, à des clarifications ou à de nouveaux développements en didactique de la littérature.

A l’instar des clarifications opérées sur la spécification des apprentissages et des modalités de travail qui peuvent être associés à certains genres, au premier rang desquels la poésie, ou à certains pans de la littérature, en particulier l’œuvre patrimoniale, on pourra s’interroger sur les enjeux d’apprentissage propres à différents corpus encore peu scolarisés. Il importe en effet que l’ouverture des classes à la diversité des littératures s’accompagne d’une réflexion sur ce que les différentes composantes de la littérature peuvent apporter à la formation du lecteur, et sur la manière d’articuler les différentes lectures entre elles. Les contributions pourront notamment s’appuyer sur des analyses de corpus littéraires ou des expériences de lecture en classe. On pourra également s’intéresser à l’effet de l’introduction de corpus peu scolarisés sur la motivation des élèves, leurs performances, sans négliger les risques de malentendus qui peuvent être occasionnés.

Selon une approche plus réflexive, on pourra se demander quelle place les recherches en didactique de la littérature accordent au pluriel des littératures. Si les travaux qui développent des notions ou concepts devenus incontournables dans le champ (en particulier ceux de lecture littéraire ou de sujet-lecteur) prennent acte de l’hétérogénéité des textes et des expériences de lecture, il s’agira par exemple de questionner la manière dont ces concepts permettent d’appréhender la diversité des littératures, des pratiques lectorales et des lecteurs : s’agit-il de tenir compte d’un éclectisme de fait, d’en faire une ressource, de le constituer pleinement en objectif de formation, et selon quelles modalités?

Les communications se dérouleront en français.

Bibliographie

Acerra, E. (2019). Les applications littéraires pour la jeunesse : œuvres et lecteurs. Thèse de doctorat en Littérature française, Université Paul Valéry, Montpellier.

Aeby-Daghé, S. (2014). Candide, la Fée carabine et les autres. Vers un modèle didactique de la lecture littéraire. Peter Lang.

Ahr, S. & Butlen, M. (2015). « Présence et usages de la littérature de jeunesse à l’école et au collège ». Le Français Aujourd’hui, 189, 37–54.

Ahr, S. & Denizot, N. (2013). Les patrimoines littéraires à l’école : usages et enjeux. Presses universitaires de Namur.

Bautier, É. & Rayou, P. (2013). Les inégalités d’apprentissage : Programmes, pratiques et malentendus scolaires. Presses Universitaires de France.

Bishop, M.-F. & Belhadjin, A. (2015). Les patrimoines littéraires à l’école : tensions et débats. Honoré Champion.

Bonnéry, S. (2014). « Les livres et les manières de lire à l’école et dans les familles. Réflexions à l’occasion de la parution de la liste officielle ‘’maternelle’’ ». Le Français Aujourd’hui, 185, 47–57.

Boutevin, C., Brillant-Rannou, N. & Plissonneau, G. (2018). À l’écoute des poèmes : enseigner les lectures créatives. Peter Lang.

Boutevin, C. & Brillant Rannou, N. (2023), « Éditorial », Carnets de Poédiles [En ligne], n° 1. DOI : https://dx.doi.org/10.56078/carnets-poediles.182

Brillant Rannou, N., Boutevin, C. & Brunel, M. (dir.) (2016). Être et devenir lecteur(s) de poèmes – de la poésie patrimoniale au numérique. Presses universitaires de Namur.

Brunel, M. (2021). L’enseignement de la littérature à l’heure du numérique. Presses universitaires de Rennes.

Canut E. & Leclaire-Halté A. (2009), L’élève et la lecture d’albums, Presses universitaires de Namur.

Castagnet-Caignec, S. (2021). « Pour des corpus transfictionnels à l'école : en quoi un récit multimédiatique peut-il servir l’enseignement ? », Strenæ [Online], 19. URL: http://journals.openedition.org/strenae/8842; DOI: https://doi.org/10.4000/strenae.8842

Chabanne, J.-C. (2018). Enseigner la littérature en dialogue avec les arts : confrontations, échanges et articulations entre approches didactiques. Presses universitaires de Namur.

Daunay, B., Delcambre, I., & Reuter, Y. (2009). Didactique du français : le socioculturel question. Presses universitaires du Septentrion.

De Peretti, I. & Ferrier, B. (2012). Enseigner les classiques aujourd’hui de l’école au lycée ? Approches critiques et didactiques. Peter Lang.

Demougin, P. & Massol, J.-F. (1999). Lecture privée et lecture scolaire. La question de la littérature à l’école. CRDP.

Denizot, N. (2013). La scolarisation des genres littéraires 1802-2010. Peter Lang.

Détrez, C. & Vanhée, O. (2012). Les mangados. Lire des mangas à l’adolescence. Bibliothèque publique d’information.

Dufays, J.-L. (dir.) (2007), Enseigner et apprendre la littérature aujourd’hui, pour quoi faire ? Sens, utilité, évaluation, Louvain, Presses Universitaires de Louvain.

Dumortier, J.-L. (2001), « Vingt ans après… regard d’un didacticien sur l’enseignement de la littérature française de Belgique », Textyles [En ligne] n° 19. DOI : https://doi.org/10.4000/textyles.914

Émery-Bruneau, J. (2020), « Le noyau dur des pratiques d’enseignement de la poésie au secondaire québécois », Pratiques [En ligne], n° 187-188. DOI : https://doi.org/10.4000/pratiques.8907

Fort, P.-L. (2022). « L’œuvre d’Annie Ernaux au prisme de l’extraction : quelle patrimonialisation dans les manuels du secondaire ? ». Dans A. Belhadjin et M.-F. Bishop (dir.), Usages des extraits en classe de français. Presses Universitaires de Namur, p. 141-158.

Fradet-Hannoyer, M. (2022). « Ce n’est pas de la grande littérature : normes institutionnelles, corpus personnel et pratiques professionnelles des enseignants ». Dans A. Jonchery & S. Octobre, L’éducation artistique et culturelle. Une utopie à l’épreuve des sciences sociales. Ministère de la Culture - DEPS, Les Presses de Sciences Po.

Gefen, A. (2021). L’idée de littérature. De l’art pour l’art aux écritures d’intervention. Corti.

Le Français aujourd’hui, 2019, n° 207, Quelle place pour la culture des élèves en classe ?

Lahire, B. (2004). La culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi. La Découverte.

Lebrun, M., Lacelle, N. & Boutin, J.-F. (2012). La littératie médiatique multimodale. De nouvelles approches en lecture-écriture à l’école et hors de l’école. Presses universitaires du Québec.

Leclaire-Halté, A. & Specogna, A. (2015). « Lecture d’albums de littérature de jeunesse et pratiques enseignantes : approches plurielles ». Recherches En Éducation, 22. https://doi.org/https://doi.org/10.4000/ree.6965

Le Français aujourd'hui (2001), n° 132, Le français vu d’ailleurs.

Le Français aujourd'hui (2005), n° 149, La littérature de jeunesse : repères, enjeux et pratiques.

Lemarchand, S. (2017). Devenir lecteur. L’expérience de l’élève de lycée professionnel. Presses universitaires de Rennes.

Lépine M., Dezutter O., Bélanger A. et Laurence S. (2021), « Les corpus littéraires utilisés par les enseignants du premier cycle du primaire au Québec : résultats d’une enquête nationale », Tréma n° 55. DOI : https://doi.org/10.4000/trema.6483

Louichon, B. & Rouxel, A. (2009). La littérature en corpus. Corpus implicites, explicites, virtuels. Scérén-CRDP de Bourgogne.

Louichon, B. (2015), « Le patrimoine littéraire : un enjeu de formation », Tréma, n° 43, p. 22 - 31.

Manesse, D. & Grellet, I. (1994), La littérature du collège, Paris, INRP-Nathan.

Octobre, S. (2015). « Comment lire à l’ère des smartphones ? La lecture et les jeunes ». Dans F. Legendre (dir.), Bibliothèques, enfance et jeunesse (pp. 24–30). Éditions du cercle de la librairie.

Pratiques, (1986), n°50, Les paralittératures.

Pratiques (1987) n°54, Les mauvais genres.

Pratiques (2018), n° 179-190, Poésie et langue : aspects théoriques et didactiques.

Pratiques (2022), n° 193-194, Pour une didactique du théâtre : entre textes, jeux et représentations

Raux, H. (2023). La bande dessinée en classe de français. Un objet disciplinaire non identifié. Presses universitaires de Rennes.

Renard, F. (2011). Les lycéens et la lecture. Presses universitaires de Rennes.

Reuter, Y. (2001). La « prise en compte » des pratiques extrascolaires de lecture et d’écriture : problèmes et enjeux. Repères, 23.

Ronveaux, C. & Schneuwly, B. (2018). Lire des textes réputés littéraires : disciplination et sédimentation. Peter Lang.

Rouvière, N. (2012). Bande dessinée et enseignement des humanités. ELLUG.

Rouxel, A. & Louichon, B. (dir.) (2010). Du corpus scolaire à la bibliothèque intérieure. Presses universitaires de Rennes.

Shawky-Milcent, B. (2016). La lecture, ça ne sert à rien ! Usages de la littérature au lycée et partout ailleurs. PUF.

Veck, B. (dir.) (1992). Texte, thème, problématique. Morceaux choisis, composition française, listes d’oral. INRP.

Veck, B. (dir.) (1994). La culture littéraire au lycée : des humanités aux méthodes ?. INRP.

Veck, B. (dir.) (1997). Français au baccalauréat. Observatoire des listes d’oral. Sessions 1992-1995. INRP.

Waszak, C. (2022). Lire des romans du 19e siècle à la fin du secondaire. Presses universitaires de Louvain.



[1] Ce pluriel a été retenu dans les éditions suivantes : les 11e en 2010 à Genève, les 12e en 2011 à Rabat, les 14e à Québec en 2013 et les 21e prévues à Montpellier en 2020 et annulées à cause de la pandémie de Covid-19.

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